Quand on dit d’un discret qu’il est réservé, on en parle rarement comme d’une qualité.
C’est même plutôt le contraire.
Il s’agit d’une tare, que l’on veut bien lui pardonner, tant qu’elle sait rester à sa place.
C’est avec un zeste de condescendance que l’on s’accorde à dire que finalement, cette personne introvertie, réservée ou discrète est bien attachante…
Rendue au statut d’objet, la personne affublée de l’adjectif « réservée » sert de faire valoir.
Personnellement, quand j’y pense, ça me met en colère.
Pas vous ?

Le problème du discret vient de loin
Très tôt, à l’école avec le passage au tableau ou lors de la récitation des premières poésies (si vous avez connu ça…) qui est valorisé et félicité ?
Inutile de se le dire.
C’est l’effet de contraste : quand tout le monde est bon, personne ne se distingue.
Il en faut bien un ou une qui n’y arrive pas aussi bien.
On dit de lui qu’il est moins mature, plus timoré…
Même si son vécu, on ne le comprend pas.
Et, ça ne s’arrête pas là, plus tard, celles et ceux qui sont valorisés, voire félicités, sont ceux qui montrent de l’implication ou de l’intérêt en participant ou en posant des questions…
Mais, à présent, au travail, est-ce que les choses ont changé ?
Avez-vous remarqué qu’au travail, ce n’est guère mieux ?
Ce sont souvent les extravertis qui occupent le devant de la scène et sont valorisés, même s’il leur arrive de dire pas mal de bêtises.
Synonyme d’extraverti ?
Connaissez-vous le synonyme d’extraverti ?
Je l’ai cherché dans le dictionnaire et qu’ai-je trouvé ? Si ceci ne vous fait pas réagir, j’envie votre sérénité.
Bref. Selon le dictionnaire, extraverti est synonyme d’ouvert. Mais si ouvert est son synonyme, quels sont les synonymes pour introverti ? Le premier, vous le connaissez certainement si vous vous reconnaissez là-dedans, c’est « renfermé ».
Ce serait d’accord si l’on apportait tout de suite un peu de nuance, mais la plupart se désintéressent du détail. Coller une étiquette à l’emporte pièce est la pratique la plus courante et c’est là que j’ai envie de pousser mon coup de gueule.
Excusez-moi, mais si vous me lisez jusque-là, c’est que vous êtes probablement dans le même bateau ne serait-ce que par empathie.
Ce n’est donc pas contre vous, ni contre quelqu’un d’autre, mais contre une situation qui, lorsqu’on n’est pas outillé, peut être vécue comme douloureuse ou injuste.
Non, introverti ne veut pas dire renfermé
Vous connaissez toute la complexité de ce que l’on peut vivre en soi quand on est de nature réservée.
On n’est pas renfermé, on est occupé par nombre de stimuli que les plus extravertis vont ignorer.
Bref, vous êtes extraverti, vous êtes bien vu. Vous ne l'êtes pas, tant pis pour vous...
Dans l’absolu, ce n’est pas parce que vous vous manifestez moins que vous avez moins de valeur.
Il ne faut pas leur en vouloir de se tromper, car leurs antennes ne sont pas calibrées de la même manière.
Ce n’est pas de leur faute
Ils sont victimes du biais de proximité
En effet, on a tendance à se sentir plus proche de quelqu’un qui s’exprime (il se dévoile) que de quelqu’un de discret. Ce dernier ne se dévoilant pas peut paraître plus distant, mystérieux, inaccessible, sévère…
Le pire, c’est qu’ils subissent l’effet d’un deuxième biais. Le biais de familiarité : on a le sentiment de mieux connaître quelqu’un qui s’exprime, peu importe le contenu de ses propos.
Vous rappelez-vous la dernière conférence à laquelle vous avez assisté ? Avez-vous remarqué que les gens préfèrent généralement se rapprocher du speaker que de leur voisin ? Pourquoi ne pas échanger avec ses voisins alors qu’ils ont probablement autant à vous apporter que le conférencier une fois sa prestation terminée ?
J’ai pu le constater à maintes reprises : les personnes qui se trouvent à nos côtés sont rarement là par hasard : elles ont toutes quelque chose à nous apporter, même si entamer la conversation peut paraître risqué.
De quoi me parlez-vous, André ? C’est quoi ces biais ?
Pour la faire courte, les biais sont des raccourcis que prend notre cerveau afin d’économiser de l’énergie.
N’avez-vous pas remarqué les gens qui décrochent dès que vous donnez une explication un peu trop détaillée ? Avez-vous observé ces personnes autour de vous qui s’impatientent dès qu’une conversation devient un tant soit peu abstraite ?
Ils ne sont en mesure que de traiter les informations de surface.
Ce sont eux qui ont un problème !
Vous pouvez, à tout moment, décider de les aider ou non
C’est à vous de choisir quand vous serez prêt et que vous aurez posé des limites claires.
Donnez-vous seulement un objectif et rappelez-vous ces deux biais dont ils sont victimes :
- Le biais de proximité
- Le biais de familiarité
De la même façon qu’ils en sont victimes, vous pouvez en tirer parti et leur faire découvrir une palette plus large de votre valeur.
Vous pouvez arrêter de faire des efforts inutiles
Si vous vous êtes efforcé toute votre vie, c’est très bien et vous pouvez continuer ainsi aussi longtemps que vous le désirerez, mais pourquoi ne pas vérifier si tous ces efforts sont nécessaires.
Donnez-vous sans mesure ou vous êtes vous posé des limites ?
J’insiste sur les limites, car généralement, si l’on n’arrive pas à poser des limites aux autres, c’est que l’on ne s’est pas posé de limites soi-même, pour soi.
Vous pourrez certainement vérifier que parfois, on n’a pas besoin de fournir tant d’efforts pour obtenir ce que l’on souhaite.
Petite étude de cas d’une discrète à multipotentiel
C’est arrivé à une de mes clientes. On venait tout juste de lui assigner de nouveaux dossiers alors qu’elle était déjà surchargée.
Elle est venue me voir pour établir une stratégie.
Devait-elle accepter les dossiers et faire encore des efforts ou devait-elle démontrer qu’elle travaillait plus que les autres ?
Connaissez-vous Don Quichotte et les moulins à vent ?
Je lui ai donc proposé une tout autre façon de faire.
Le jour même, elle envoyait un simple email à son N+1 pour lui dire qu’elle ne pouvait pas prendre plus de dossiers.
Quelques heures plus tard, ce dernier lui répondait, que c’était ok. Ils parleraient de la passation des nouveaux dossiers à un moment plus opportun.
Elle en était heureuse, mais surtout très surprise de l’effet de ce simple email.
Tous les efforts qu’elle avait imaginé devoir faire avaient été effacés parce qu’elle a dit NON de façon cordiale avec une raison parfaitement compréhensible.

La discrétion vous donne l’avantage de pouvoir vous manifester à bon escient, juste quand vous en ressentez le besoin
Être discret, n’est pas une tare. Bien au contraire, c’est une qualité :
Le silence est d’or, la parole (seulement) d’argent
Le discret a développé une grande capacité d’écoute
Le discret sait faire des analyses fines
Le discret est souvent de bons conseils
Vous n’avez rien à envier aux extravertis, vous êtes complémentaire ! Rappelez-vous, ils ont besoin de vous. Seulement, avez-vous envie, besoin d’eux ?
À vous d’en décider.
L'auteur : André Ortais Coach professionnel, spécialisée dans les relations de travail, j'accompagne les travailleurs du savoir pour vivre une carrière épanouie à la hauteur de vos talents.