S’affirmer dans le conflit pour prendre le dessus ou se soumettre et fuir la confrontation sont souvent les deux attitudes auxquelles nous pensons ou que l’on peut observer. On pourrait croire que nous n’avons que ces deux alternatives : prendre l’ascendant ou se soumettre. Pourtant, désamorcer un conflit ne veut pas dire qu’il y a un gagnant et un perdant.
C’est une croyance erronée liée à des peurs.

Quand j’ai peur des conflits, il se peut qu’un autre problème se pose : ai-je peur de ma propre réaction, de ma colère ou du rejet qu’elles pourraient provoquer. Comment gérer sa colère et les situations difficiles qui peuvent en découler ?
La gestion des conflits à chaud requiert le lâcher prise. C’est généralement plus facile à dire qu’à faire, mais voici une piste à garder toujours en tête.
Un seul mot : INTENTION.
Qu’est-ce que j’entends par là ? J’y viens 🙂
Désamorcer un conflit ou prendre sa revanche ?
Les discrets divergents qui se surinvestissent dans la relation, le plus souvent de façon discrète, rêvent parfois de remettre tous leurs “offenseurs” à leur place. Ils pensent que leur moment de gloire est à venir et qu’il s’imposera de lui-même. C’est comme s’ils œuvraient plus ou moins consciemment pour ce grand jour de la résolution de leur supplice, où la vérité éclatera et leur valeur sera enfin reconnue.
Et si ce moment ne venait jamais ? Que se passerait-il pour vous si vous en faites partie ? Saurez-vous dire stop à temps ?
Vous le savez aussi bien que moi, les compteurs sont rarement remis à zéro et il est trop facile de récupérer une nouvelle casserole dont on peinera à se débarrasser.
Il est aussi tout aussi probable que vous attendiez ce moment bien trop longtemps. La valse entre ces deux alternatives, vous ne la connaissez que trop bien.
Comment se sortir de cette dualité ?
Je me propose de vous raconter une de mes expériences qui pourrait vous inspirer pour y glaner quelques éléments de réponse.
Entrer en conflit ou respecter son contrat ?
C’est le matin. J’interviens dans une entreprise nationale. Je m’installe dans la salle où se déroule ma formation. Il s’agit de ma dernière intervention auprès des collaborateurs avant de former les managers.
J’anime une journée pour la prévention et la gestion du stress au travail. Je connais parfaitement mon contenu pour l’avoir partagé à maintes reprises, mais je ne peux m’empêcher de ressentir une certaine tension et de la nervosité.
Le problème vient du contexte électrique que je commence à bien connaître. Les salariés sont épuisés et à bout de nerfs à cause de la dernière restructuration. En effet, cette dernière remet en cause les droits acquis et augmente la charge de travail des équipes. J’ai le sentiment qu’ils se sentent livrés à eux-mêmes.
Les participants entrent.
L’accueil des participants se passe bien, mais, à peine ma présentation démarrée, un membre de l’assistance m’interrompt :
“Comment vous avez choisi cette entreprise ?”.
Honnêtement, je ne comprends pas tout de suite la question. Je suis obligé de la reposer à deux reprises pour assimiler le sens de sa question et ce qui est en train de se passer. Mon interlocuteur m’aide, car il devient ironique et dévoile sa dynamique :
“Comment vous êtes arrivé jusqu’ici, vous avez vu de la lumière et vous êtes entré ou... ?”
Afin de vérifier qu’elle est consciente de sa dynamique agressive et d’éviter de répondre à chaud, je fais usage d’assertivité et lui réponds :
“Où voulez-vous en venir ?
Cette question lui permet de se maîtriser et je partage ce que je sais : « J’interviens à l’initiative de la direction et non pas de la mienne ». La personne poursuit alors avec une certaine agressivité, mais fait un effort dans sa communication :
“Ce n’est pas à nous qu’il faut donner cette formation, c’est à l’encadrement !”
C’était prévu. L’intervention se faisait à tous les niveaux de la hiérarchie, directeur inclus.
Cette réponse sincère me permet d’obtenir la paix pendant quelques minutes. Mes craintes sont malgré tout justifiées, j’ai à nouveau un représentant du personnel dans la salle et je dois faire avec.
C’est ainsi qu’à plusieurs reprises, je suis pris à partie par cette personne qui déverse une certaine colère sur moi. Ses collègues, ayant compris ma dynamique dans l’échange, ont pour certains, répondu à ma place en me protégeant. Une vingtaine de minutes se sont écoulés quand elle m’interrompt à nouveau :
“Vous savez, je suis comme ça, je rentre dedans, vous pouvez vous défendre !”
Elle vient de lacher le mot défendre. J’en conclue qu’elle se reconnait dans l’agression et lui réponds :
“Je ne suis pas là pour me défendre, mais pour faire mon travail”.
En effet, ma stratégie était de me centrer sur l’objectif tout en préservant la qualité du lien. Chaque membre de l’assistance avait sa place tant qu’il restait centré sur l’objectif du groupe. Parfois, il est inutile de désamorcer un conflit. Les tensions s’effondrent d’elles-mêmes, lorsque l’agression n’est pas prise personnellement et l’agresseur est invité à la discussion.
En effet, centré sur ma mission, j’ai permis à ce membre de s’exprimer sans alimenter ses tentatives inconscientes de déstabilisation, nous avons pu reprendre le travail.
À la fin de mon intervention, elle s’est rapproché de moi et s’est excusée pour son agressivité.
Dans un autre contexte, j’anime des ateliers spectacle. Pendant le premier semestre, je fais découvrir aux participants un certain nombre de textes et constitue une équipe. Je conclus chaque séance en invitant les acteurs à prendre les textes qu’ils ont joués ou appréciés.
Trois mois avant la présentation, l’un des membres prend la parole lors d’un tour de table auquel elle a pris l’habitude d’arriver en retard : “De quels textes vous parlez, je n’ai pas eu les textes, moi”.
Je lui rapelle les faits avec une certaine impatience : “je distribue des textes depuis le début d’année et vous ai proposé de prendre ceux qui vous plaisent… si tu n’as pas choisi tes textes, je comprends que tu poses cette question”. L’acteur se vexe :
“C’est à moi qu’il parle comme ça ?” Dit-il à la troisième personne alors que je m’adresse à lui directement.
Je m’excuse auprès de lui, mais le mal est fait, l’acteur monte dans les tours et rumine dans son coin et cherche la confrontation avec moi sans trouver de prise. Au bout de deux séances, il montre volontairement qu’il tient compte des consignes en s’adressant à moi avec le sourire :
“Je prends bien soin de mes textes.”
Je l’ai interprété comme le signe qu’il enterrait la hache de guerre.

Que pouvais-je faire pour désamorcer un conflit naissant ?
Je n’ai pas été parfait dans ma façon de m’adresser à lui. Mais, doit-on attendre la perfection pour s’exprimer ? Non, bien évidement. Ce que je venais de faire c’était de le recadrer. M’excuser était tout aussi maladroit car, dans ce cas, cela lui donnait du pouvoir sur moi et “effaçait” l’effet du recadrage. Je le renvoyais à sa responsabilité dans ce qu’il exprimait.
- Répéter ce que je venais de dire avec d’autres mots en contextualisant davantage pour que la personne entende.
- J’aurais dû répondre directement à la question que la personne posait sans me regarder : “Oui, c’est bien à toi que je m’adresse”. Mais j’avais peur du conflit et c’est ce que j’ai créé malgré moi.
Voyez-vous où je veux en venir avec la notion d’INTENTION ? Dans ce cas, je cherchais à poser les limites et éviter le conflit… J’étais très engagé émotionnellement.
J’aurais également pu faire autrement :
- Terminer de donner mes consignes pour que tout le monde puisse se mettre au travail
- Echanger individuellement avec la personne afin de répondre à son besoin tout en la rapelant à l’ordre. Cette façon de faire m’aurait permis de ne pas souligner son comportement irrespectueux devant les autres pour ne pas la froisser
Dans ce cas, j’étais moins engagé émotionnellement et mon intention n’était plus d’éviter le conflit, car je n’en avais pas peur.
Désamorcer un conflit alors qu’on pose des limites ?
De façon plus générale, quand la situation ci-dessus se présente, il est plus facile de désamorcer un conflit tout en recadrant la personne indélicate à travers quatre étapes :
A réaliser de préférence seul à seul.
- Décrire la situation : J’ai donné des consignes que tu n’as pas respectées, tu es en retard aux réunions deux fois sur trois et aujourd’hui tu m’interromps pour demander des informations que tu aurais eues en arrivant à l’heure…
- Expliquer en quoi ce comportement pose problème : Arriver en retard et interrompre un briefing rallonge le temps des réunions et nuit à la dynamique de groupe. Le non-respect des consignes nuit à ton travail, mais il nuit également à la dynamique de groupe.
- Recadrer : Conforme-toi aux règles du groupe et aux consignes ou questionne-les si elles te posent problème. Si elles te posent problème, c’est OK pour en parler. Donner l’opportunité à la personne de faire des propositions…
- Expliciter ce qui se passerait en cas de la non-application des consignes : en termes de résultats, de sanctions, voire de fin de collaboration…

Faut-il être un expert en communication ou en relations pour s’en sortir ? J’ai un avis très simple sur la réponse à donner : non.
J’ai suivi des centaines d’heures de formation sur ce sujet et rien ne m’a permis d’obtenir un meilleur résultat que celui de veiller à mon intention. J’ai souvent entendu “c’est l’intention qui compte” et aussi “l’intention ne suffit pas”. En effet, je suis d’accord dans les deux cas. Pourtant on dirait que ces deux affirmations se contredisent : oui et non. Ça dépend de l’intention…
André, qu’est-ce que vous voulez dire là ? Je ne vous suis plus !
Je m’explique juste après un autre exemple pour illustrer mes propos.

L’intention pour désamorcer les conflits
Je suis assis dans le RER C. Je rentre chez moi à Versailles. Absorbé par mes pensées, malgré ma fatigue, je regarde en face de moi dans le vide.
J’aperçois sur une banquette en face de moi un groupe de personnes. L’un d’eux me parle mais je n’entends pas. Ses sourcils sont froncés et sa voix n’est pas neutre. Je sors de mes pensées quand je comprends qu’il s’adresse à moi :
“Pardon?”
Il répète de façon plus insistante mais je ne comprends toujours pas :
“Quoi ?”
Il semble énervé et je devine à peine ce qu’il me dit de façon agressive mais c’est comme si je n’étais pas là. Je fais l’effort de me lever pour m’approcher et lui dis :
“Pardon mais je n’ai pas compris. Qu’est-ce que tu dis ?”
Il me répond alors :
“Laisse tomber.”
En prononçant ses mots là, son agressivité disparait et il cesse de me dévisager. Il vient de renoncer à la relation conflictuelle qu’il essayait d’établir avec moi. C’est seulement à cet instant que je comprends ce qui vient de se passer. Je n’ai pas ressenti de peur et mon intention est celle de me relier à lui pour le comprendre.
Ce qui m’a permis de désamorcer le conflit et l’agressivité de mon interlocuteur, c’est bien mon intention. Non pas l’intention de bien faire ni d’aider, mais celle de comprendre mon interlocuteur : il s’adresse à moi et je cherche à me relier par le sens.
Généralement, dans la peur, l’apréhension et les émotions similaires on se retrouve dans une dynamique d’évitement. Impossible de se relier à l’autre. Il ne peut donc pas nous comprendre et il est difficile de comprendre son interlocuteur.
Dans 80% des cas, cette intention suffit à désamorcer le conflit.
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